Quand la liberté de création littéraire s’oppose à la violation de la vie privée

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Figurer dans une œuvre littéraire peut être perçu comme un honneur, tout comme cela peut être une expérience dégradante. Une nouvelle thèse de doctorat de l’Université de Göteborg explore la confrontation pouvant surgir entre la liberté artistique et le droit de tout individu de protéger sa vie privée et sa réputation. Analysant 14 œuvres littéraires et les décisions de justice auxquelles elles ont donné lieu, l’auteur conclut, par exemple, que les tribunaux devraient pouvoir consulter des experts littéraires pour les assister.

Nathalie Hauksson-Tresch déjà titulaire d’un doctorat en droit vient de terminer un second doctorat, cette fois en littérature française. La nouvelle thèse est interdisciplinaire puisqu’elle combine deux champs de recherche : un champ littéraire composé de 14 œuvres et un champ juridique dans lequel figurent les décisions de justice engagées par des individus reprochant aux écrivains de les avoir transformés en personnages romanesques.

Nathalie Hauksson-Tresch fait une évaluation critique de la situation actuelle, comprenant notamment une recherche dans la législation et la jurisprudence françaises et européennes. Cette question a bénéficié d’une attention croissante dans les tribunaux et les médias.

« Je voulais analyser ce qui se passe quand les gens qui prétendent voir leur vie privée violée dans une œuvre littéraire engagent des poursuites contre les auteurs et leurs éditeurs », dit Hauksson-Tresch.

Les romanciers ont en principe le droit de s’exprimer librement, mais les particuliers ont également le droit de préserver leur intimité et leur honneur. Ce sont des droits d’égale valeur formelle, ce qui conduit à s’interroger sur les limites de l’un par rapport à l’autre. Selon les circonstances, les dispositions légales sont tantôt appliquées au profit de l’artiste, tantôt à celui de la personne dévoilée.

Dans sa thèse, Hauksson-Tresch traite de diverses définitions de la notion de vie privée au regard du droit français, et montre dans quelle mesure les juges traitent différemment les textes selon qu’ils sont considérés comme fictionnels ou référentiels.

« La thèse montre que la pratique juridique varie d’un juge à l’autre. Il est également fréquent que les magistrats fassent référence aux genres littéraires des textes incriminés, qui pourtant est un élément difficile à déterminer dans la pratique des théories littéraires ».

Toutes les œuvres analysées par Hauksson-Tresch ont été classées comme romans par leurs éditeurs, bien que chacun d’eux comprenne, à divers degrés des éléments non fictionnels. Dans certains cas, cela a conduit les tribunaux à redéfinir les œuvres en termes de genre, et à fonder leur décision sur cet élément.

« Une question intéressante est celle de savoir si les magistrats ont les connaissances littéraires nécessaires pour faire ce type d’évaluations et sur quels critères ils basent leurs décisions » dit Hauksson-Tresch.

Le but principal de la recherche menée par Hauksson-Tresch est d’étudier les possibilités d’améliorations et de clarifications de la législation actuelle au moment où la liberté de création reçoit pour la première fois une reconnaissance légale, sans que l’on sache toutefois ce que le concept recouvre.

« J’ai proposé de nouvelles règles, principalement inspirés des théories littéraires, et qui pourraient aboutir à un meilleur équilibre entre des droits opposés ».

Les modifications proposées par l’auteur de la thèse comprennent :

  • Une recommandation stipulant qu’une œuvre littéraire, présentée comme un roman, devrait être traitée comme telle par un tribunal, sans rechercher à la requalifier.
  • La possibilité pour chaque personne se sentant atteinte dans son intimité et/ou sa réputation de répondre au romancier dans un cadre géré par l’éditeur.
  • La possibilité pour les juges de consulter des experts en théorie littéraire, afin d’évaluer divers éléments sémantiques et/ou narratologiques, recensés par Hauksson-Tresch, et identifiant ou excluant l’œuvre comme fictionnelle.
  • La prise en compte du préjudice comme élément constitutif de la violation.
  • La dépénalisation de la diffamation dans le cadre d’une œuvre artistique.

« En tenant compte des techniques littéraires les tribunaux pourraient améliorer leurs évaluations juridiques, aboutir à des décisions plus équilibrées et peut-être mieux acceptées », affirme la chercheuse.

Contact :
Nathalie Hauksson-Tresch, Département des langues et littératures, Université de Göteborg. Tel.: +46 (0)703 60 67 60. Email:
nhaukssontresch@gmail.com 

Titre de la thèse : Liberté de création littéraire ou violation de la vie privée. Aspects littéraires et juridiques [Freedom of literary creation or violation of private life? Literary and juridical aspects] 
Langue : français, avec un résumé en anglais.


Johanna Hillgren
Communications officer
+46 (0)31-786 10 68, +46 (0)766-18 10 68
johanna.hillgren@gu.se

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